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La méchante sorcière

Textes > Contes cruels et immoraux

Voici le deuxième de mes contes de fées cruels et immoraux.


Il était une vieille sorcière - Oh, pas si vieille que ça à vrai dire, à peine la cinquantaine. Mais la rumeur est telle, qu’elle change les belles femmes en harpies, et les médiocres en génies. Et il faut avouer que la pauvre femme faisait plus que son âge. Il fut pourtant un temps où elle était belle, et où elle aimait prendre soin d’elle. Aujourd’hui, ce temps était révolu. Pourquoi ? Elle sombrait peu à peu dans une insondable déprime. Pourquoi me direz-vous encore ? Elle ne méritait pas cela, vous aurait-elle dit. Et elle aurait raison. Car en vérité, elle n’était pas, et n’avait jamais été une sorcière. Elle n’avait même jamais souhaité en devenir une. Alors pourquoi les gens des alentours s’acharnaient-ils sur elle depuis si longtemps ? Pourquoi les gens n’avaient-ils que ce mot à la bouche quand ils la voyaient ?

Elle n’aurait même pas su dire de quand cela datait. À vrai dire, elle avait l’impression que d’aussi loin qu’elle se souvienne, on l’avait traité de sorcière. Déjà, étant enfant, les autres garnements se moquaient d’elle. C’est vrai qu’elle était timide, et que ses parents étant très pauvres, ils vivaient dans une vieille cabane défoncée, un peu à l’écart des autres.

D’un caractère plutôt réservé, elle préférait passer des heures à l’orée de la forêt, à cueillir des fleurs, et à parler aux animaux. Cela ne favorisa pas sa socialisation. Elle n’avait donc pas d’amis.

En grandissant, elle devint une belle jeune fille. Mais son charme mystérieux était bien différent de celui des coquettes, qui se moquaient d’elle sans pitié, car elles considéraient comme un crime de ne pas être comme elles. Rares aussi étaient les jeunes hommes qui osaient l’approcher. Encore moins nombreux ceux qui osaient lui faire la cour. Elle va t'envoûter ! leur disait-on.

Elle ne s’était jamais mariée. Ce qui ne fit que conforter les braves gens dans leur idée qu’elle pratiquait la sorcellerie. Oh, elle aurait bien voulu, elle, trouver un mari, et fonder un foyer, mener une vie comme tout le monde. Mais qui pensait à ce qu’elle désirait ? À ce qu’elle ressentait ?

Ses parents morts, elle resta seule dans sa petite bicoque délabrée, qu’elle avait peine à rafistoler.

Bientôt, plus personne ne vint lui rendre visite. C’est alors que les enfants de la nouvelle génération, ceux qu’avaient eus ceux de son âge, commencèrent leur harcèlement. Leurs parents avaient bien fait leur travail. Attention ! Ne t’approche pas d’elle, c’est une sorcière ! Si tu t’approches de sa maison, elle va t’attraper ! Si tu n’es pas sage, je te donne à la sorcière, elle te mangera ! Loin d’effrayer les bambins, toutes ces histoires les amusaient fort. Ils commencèrent donc à s’approcher de la jeune femme en rigolant, et quand elle leur jetait un regard, ils s’enfuyaient en riant. Petit à petit, ils prirent de l’assurance, voyant que rien ne leur arrivait, malgré les menaces de leurs parents. Ils commencèrent donc à s’approcher de sa maison, à y jeter des œufs pourris, à casser des carreaux. Puis, vinrent les chansons satiriques sur la méchante sorcière. Bientôt, ils s’enhardirent assez pour lui jeter des cailloux lorsqu’elle avait le dos tourné. À peine leur forfait perpétré, ils détalaient en gloussant, fiers d’avoir ainsi bravé la sorcière.

Mais elle, la sorcière, que pensait-elle de tout cela ? Chaque caillou, chaque parole était un nouveau coup de poignard dans son cœur. Ce véritable harcèlement quotidien la faisait s’effondrer chaque jour d’avantage.

S’affaiblissant moralement, cela se répercuta bientôt sur sa santé. Elle avait les joues creuses, les yeux cernés de ne pouvoir dormir. Chaque fois qu’elle croisait quelqu’un, son ventre se tordait d’angoisse, ne sachant si on allait ou non s’en prendre à elle. Elle se mit donc à éviter le plus possible les gens.

Bien sûr, ses transformations aussi bien physiques que de comportement n’échappèrent pas aux gens du village, qui les prirent comme autant de nouvelles preuves qu’elle était une sorcière. C’est vrai après tout, elle était si sinistre !

Les rumeurs ne faisaient qu’augmenter au même rythme que sa misère. Plus on la traitait de sorcière, plus elle se sentait mal, dégradant sa santé et son aspect physique, renforçant ainsi encore les on-dits, dans un cercle vicieux sans fin.

Mais qu’aurait-elle pu bien faire ? Se défendre ? Comment ? Inutile d’aller parler aux parents des garnements afin qu’ils les punissent, après tout, ce sont eux qui étaient à l’origine de cette rumeur ! De plus, elle avait bien remarqué : non seulement leurs parents ne les grondaient pas, mais ils les laissaient faire, les félicitant même parfois ! Certains allaient jusqu’à les encourager, faisant ainsi par procuration ce qu’eux-mêmes n’osaient pas.

Alors quoi ? Quitter le village ? Pour aller où ? Elle n’en avait pas la force. Elle n’avait plus l’énergie ni la volonté à rien. Elle ne pouvait que subir en silence. Elle s’enferma encore plus dans sa demeure, elle ne porta plus que du noir, pour essayer de passer inaperçue d’abord, mais aussi parce que cette couleur reflétait le mieux son humeur. Mais rester ainsi seule ne fit que l’enfoncer dans sa détresse, et augmenter la méfiance à son égard.

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Elle essaya pourtant encore de se faire bien voir des bonnes gens. Elle était toujours aimable, toujours prête à rendre service. Elle s’y connaissait un peu en plantes médicinales, et pouvait donc conseiller pour soigner quelques menus maux. Mais rares étaient ceux prêts à suivre ses conseils. L’idée qu’elle était une sorcière était trop profondément enracinée dans leur mentalité. Et si elle voulait les empoisonner, ou les envoûter ?

Puisqu’elle n’arrivait à rien avec les parents, elle essaya de s’attirer les bonnes grâces des enfants. Elle se mit donc à faire des confiseries. Emportée par son enthousiasme, elle alla jusqu’à construire une maison entièrement en pain d’épices, recouvertes de sucreries. Un peu trop zélée sans doute ? Il faut dire que la pauvre femme ne devait plus avoir toute sa tête à force d’être seule et critiquée. Quoiqu’il en soit, son initiative n'eut pas l’effet escompté. Les enfants se moquèrent encore plus d’elle, et les parents, horrifiés par une telle bizarrerie, leur interdirent catégoriquement de s’approcher d’elle à l’avenir. Et si elle avait fabriqué cette maison pour attirer nos enfants et les tuer ? disaient-ils. C’est une folle furieuse, tu verras qu’elle te transformera en biscuit toi aussi si elle t’attrape !

Devant le changement de comportement de leurs parents, les enfants commencèrent à avoir vraiment peur de la sorcière. Ils n’approchèrent donc plus de sa maison.

La maison de pain d’épices fini par moisir, et tomber lentement en morceaux.

Notre sorcière, elle, n’osait plus guère sortir, si ce n’est dans son jardin, pour y cueillir de maigres légumes. Elle ne supportait plus le regard que les gens lui lançait, pleins de sous-entendus et de mépris. D’ailleurs, ils lui firent bien sentir qu’ils ne voulaient plus d’elle. Petit à petit, elle se retrouva de plus en plus coupée du village.

Lorsqu’une nouvelle maison devait être bâtie, on le faisait désormais à l’opposé du village, le plus loin possible de sa bâtisse. Ceux qui habitaient le plus près de chez elle choisirent d’abandonner leur maison, pour s’installer ailleurs.

Ainsi, au fil des années, elle finit par se retrouver totalement isolée, pratiquement dans la forêt. Les enfants qui l’avaient tant persécutée grandirent et finirent par avoir aussi des enfants. Ils les élevèrent dans la crainte de la sorcière, et leur interdirent de s’éloigner du village, leur disant qu’ils se feraient dévorer si jamais elle mettait la main sur eux. D’ailleurs, ne serait-il pas une bonne idée de prendre des torches et des fourches, et d’aller lui régler son compte une bonne fois pour toute, à cette sorcière ? On pourrait enfin dormir sur nos deux oreilles ! Voilà ce qui se disait au village.

Notre pauvre sorcière, bien qu’abandonnée à son sort, arrivait malgré tout, et malgré elle, à avoir vent de tout ce qui se disait à son sujet.

Il arrivait que des enfants s’égarent dans la forêt où ils étaient partis jouer sans surveillance, et ne revenaient jamais. Peut-être tués par des loups, ou quelque autre bête sauvage, qui sait ? Mais invariablement, on accusait tout de suite la sorcière. C’était elle la responsable, sans l’ombre d’un doute !

Pourtant, quand elle croisait de jeunes égarés dans sa forêt, elle tentait de leur venir en aide, en leur indiquant une route sûre et rapide pour revenir chez eux. Mais à chaque fois, en la voyant venir, ils s’enfuyaient à toutes jambes.

Ce fut la rumeur de trop.

L’esprit déjà bien fragile de la soi-disant sorcière bascula. Le désespoir laissa la place pour la première fois de toute sa longue vie à de la colère et de la haine. Ils voulaient une sorcière ? Et bien ils en auraient une ! Ils voulaient une dévoreuse d’enfants ? Et bien soit !

Sa décision était prise. Les prochains enfants qui s’approcheraient de sa maison, elle se vengerait sur eux pour tout ce qu’on lui avait fait subir dans sa vie !

Il ne fallut pas attendre trop longtemps pour que des enfants viennent à proximité de sa masure. Tant mieux, ainsi, sa détermination était restée intacte !

Il s’agissait de deux enfants : un frère et une sœur. Ils s’appelaient Hansel et Gretel.

Fin

Fiche ajoutée le 27 mai 2008.

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